120 champions de la tech française : pour qui et pour quoi ?

120 champions de la tech française : pour qui et pour quoi ?

OPINION. Le programme French Tech 120, dont l’appel à candidatures se clôture ce vendredi, illustre les limites de la politique de soutien à l’innovation en France en négligeant l’impact social et environnemental de la tech dans les critères de sélection. Par le collectif « tech for good » FEST.

Ce vendredi se clôt l’appel à candidatures du programme French Tech 120, le nouveau dispositif d’accompagnement des startups lancé en Septembre dernier par le Président de la République et le Premier Ministre dans la foulée du #Next40, réunissant 40 startups françaises à fort potentiel. Les lauréats bénéficieront d’accompagnement dans leur développement international, leur financement et leurs relations avec les administrations et les talents.

Au-delà du caractère innovant de l’activité, les critères retenus pour sélectionner les startups reposent sur 1°) le montant des fonds levés et 2°) la dynamique d’hyper-croissance.

Des critères déconnectés de l'impact social et environnemental de la tech

Ce programme répond à l’ambition – certes louable – que s’est donnée le gouvernement de faire de la France un des leaders mondiaux dans la création et le développement des champions de la tech. Mais des champions de la tech pour quoi faire ?

Le French Tech 120 illustre à certains égards quelques-unes des limites de la politique publique de soutien à l’innovation et à la tech à l’oeuvre depuis des années, régie par les seuls principes de levées de fonds et d’hyper-croissance, et trop souvent déconnectée des considérations pourtant essentielles d’impact social et environnemental.

Pourtant, semaine après semaine, les indicateurs se succèdent et alertent sur la réalité du réchauffement climatique et sur ses conséquences catastrophiques pour l’environnement et pour la société, et appellent à un usage raisonné et éthique de la tech. Alors que nombre de solutions concrètes (matériaux bio-sourcés à faible empreinte carbone, nouvelles solutions digitales contre le gaspillage alimentaire, l’exclusion sociale, la précarité énergétique…) démontrent la capacité de la technologie à répondre aux défis sociaux et environnementaux, elle apparaît aussi comme une des principales sources de pollution mondiale (émissions de CO2, déchets électroniques non recyclés, conséquences de l’extraction des terres rares…).

Nous regrettons le primat de la levée de fonds sur l’impact sociétal comme axe structurant des politiques gouvernementales. Nous déplorons que le niveau de valorisation financière demeure le seul critère pour orienter les 5 milliards d’euros destinés à soutenir la Tech française.

Un système à bout de souffle ?

Nous pensons que la question du sens et du « why » se doit aujourd’hui d’être centrale dans le processus de création de start-up. L’absence de réflexion sur la raison d’être et l’impact économique, social et environnemental – notion pourtant portée au pinacle par la loi PACTE – de la technologie et des entreprises qui la portent est représentative d’un système économique à bout de souffle.

L’injonction d’Emmanuel Macron « Il faut que dans deux ans, la French Tech ait 25 licornes » pose la question du pourquoi. Pour optimiser les performances des publicités sur mobile ? Pour augmenter les taux de clics et le « retargeting » sur les grandes marketplaces e-commerce ? Pour enrichir entrepreneurs et investisseurs français ?

De nombreux leaders économiques français, à l’origine de la loi Pacte ou de l’alliance « Business For Inclusive Growth » issue du G7, sont convaincus qu’un nouveau modèle français, voire paneuropéen, alliant croissance et impact, peut offrir une alternative sérieuse aux économies sur-puissantes de nos voisins. De nombreuses entreprises sociales le démontrent chaque jour.

Favoriser l'innovation à impact devrait être une priorité politique

La transition écologique et sociale est une formidable occasion de déployer notre capacité à innover, à nous réinventer, en respectant des contraintes écologiques, environnementales et sociales et en faisant émerger un nouveau récit où le succès d’une startup serait enfin mesuré au nombre de vies impactées durablement par son activité, et non à ses « millions d’euros levés », ou à son hyper croissance…

Le gouvernement affiche aujourd’hui une volonté d’amorcer une vraie politique en faveur de la transition écologique et sociale. Nous l’invitons à agir concrètement et rapidement en construisant un véritable cadre réglementaire favorable à l’innovation à impact.

Nous suggérons par exemple d’intégrer des indicateurs extra-financiers d’impact social et environnemental dans les aides à l’innovation (Statut Jeune Entreprise Innovante, Crédit Impôt Recherche, Crédit Impot Innovation). Ces indicateurs permettraient d’évaluer l’utilité sociale de l’entreprise, le partage de la valeur entre les différentes parties prenantes, leur engagement pour réduire leurs externalités négatives environnementales (empreinte carbone numérique, éco-responsabilité) et sociales (culture d’entreprise socialement inclusive, paritaire et engagée..), pour conduire une véritable politique publique de la transition.

Sources : Relai d’information La Tribune